La date du 9 novembre 2018 soulignait les 40 ans d'existence de la Loi sur la protection du territoire agricole qui est devenue depuis la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Cette loi constitue une pièce maîtresse de la législation québécoise en matière d'utilisation du territoire et la pierre d'assise sur laquelle s'appuie le Québec pour veiller à la protection de son patrimoine agricole et au développement de son agriculture.
Les sols de bonne qualité pour l'agriculture comptent pour moins de 2 % de la superficie totale du Québec. Outre la rareté, ces sols sont localisés dans la partie méridionale du Québec représentée principalement par la plaine du Saint-Laurent et de ses principaux affluents. Cette partie du Québec jouit du climat le plus favorable pour la pratique et le développement des activités agricoles. Le territoire du Québec a été occupé et développé, à partir de la plaine du Saint-Laurent pour ensuite s'étendre le long de ses principaux affluents, tout naturellement, puisque c'est là que se trouvaient les terres les plus fertiles. C'est là aussi que les villes ont prospéré avec les facilités de transport que procurait le réseau hydrographique.
Les années 60 et 70 ont été caractérisées par une effervescence économique marquée avec le développement de grands chantiers d'infrastructures d'utilités publiques (énergie, transport, nouveaux réseaux d'éducation, organisation des systèmes de santé, exposition universelle, la tenue des jeux olympiques, etc.). Ce développement rapide a été particulièrement remarquable dans la grande région métropolitaine de Montréal. En même temps, les techniques de production agricole s'amélioraient, libérant ainsi beaucoup de main-d'oeuvre attirée par les agglomérations urbaines et leurs banlieues qui se développaient à un rythme effréné et de façon plus ou moins désordonnée en empiétant, souvent, sur les meilleures terres cultivables. Ainsi, en périphérie des agglomérations urbaines, la spéculation faisait augmenter la valeur des terres qui devenaient hors de prix pour l'agriculture. De vastes superficies, laissées en friche, souvent morcelées, étaient possédées par des non-résidents dont le seul but était de réaliser des profits rapides. Plusieurs études, réalisées au début et au milieu des années soixante-dix, sonnaient l'alarme sur les effets majeurs de l'absence de planification eu égard à l'urbanisation sur les terres agricoles de haute qualité de la grande région de Montréal. L'une d'entre elles, produite par le ministère des Affaires municipales en 1977, concluait que l'urbanisation dans la seule région de Montréal entre 1964 et 1975 avait entraîné la perte de plus de 20 000 hectares de sols à haut potentiel pour l'agriculture. Outre l'absorption directe de sol pour l'urbanisation, l'étude mettait en lumière l'effet de déstructuration du tissu agricole découlant de l'éparpillement des usages non agricoles sur le territoire. On y déplorait l'absence d'une planification à l'échelle régionale en matière d'aménagement.
En 1978, alors que la conjoncture était plus favorable pour une telle intervention, le gouvernement du Québec a adopté la Loi sur la protection du territoire agricole. Ainsi, le 9 novembre 1978, sur un territoire identifié par décret gouvernemental, l'utilisation du sol à des fins autres que l'agriculture, le morcellement des terres, l'enlèvement de sol arable et la coupe d'érables dans une érablière ont été prohibés. L'objet de la loi est d'assurer la pérennité d'une base territoriale pour la pratique de l'agriculture et de favoriser, dans une perspective de développement durable, la protection et le développement des activités et des entreprises agricoles dans les zones agricoles établies. La loi s'applique au gouvernement, à ses ministères et à ses organismes. Elle a par ailleurs préséance au regard de toute disposition inconciliable d'une loi générale ou spéciale applicable à une communauté ou à une municipalité. La loi prévaut également sur toute disposition incompatible d'un schéma d'aménagement et de développement, d'un plan directeur ou d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction.
Cette deuxième loi, adoptée en décembre 1979, venait compléter le régime de protection du territoire agricole. Cette loi venait réglementer, cette fois, l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents du Québec; des études avaient alors établi une diminution croissante et alarmante de l'utilisation des terres à des fins d'agriculture active lorsqu'elles sont la propriété de spéculateurs étrangers.
Le 11 juin 2013, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi numéro 46 « Loi modifiant la Loi sur l’acquisition de terres agricoles par des non-résidents ».
L’Assemblée nationale a adopté cette loi le 30 octobre 2013 ; elle a été sanctionnée et mise en vigueur le même jour.
Pour de plus amples informations sur la LATANR, vous pouvez consulter la procédure de traitement de ce type de dossiers, visiter la section qui lui est dédiée sur la page d’accueil du site Web de la Commission ou prendre connaissance de la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents.
La zone agricole protégée représente un patrimoine collectif qui, de par son envergure et la qualité de sa ressource, constitue un atout majeur pour le développement économique du Québec. D'une superficie de plus de 63 500 kilomètres carrés, la zone agricole s'étend sur le territoire de 955 municipalités et est présente dans les 17 régions administratives du Québec. Elle soutient les activités de près de 30 000 exploitations agricoles dont les recettes s'établissaient à six milliards de dollars en 2005.
La Commission de protection du territoire agricole du Québec, créée en 1978 en vertu de cette loi, a pour fonction d'assurer la protection du territoire agricole et de surveiller l'application des lois sous sa responsabilité. Ainsi, elle a la responsabilité de décider des demandes d'autorisation qui lui sont soumises en vertu de la loi relativement à l'utilisation d'un lot à des fins autres qu'agricoles, au lotissement et à l'aliénation d'un lot de même qu'à l'inclusion ou à l'exclusion d'un lot de la zone agricole. La Commission exerce aussi une fonction-conseil en fournissant des avis sur toute question émanant du Gouvernement ou du ministre responsable. La Commission est composée d'au plus 16 membres, nommés par le gouvernement, issus principalement des organisations agricoles, du monde du droit et du milieu régional. Pour appuyer ses membres, la Commission compte sur du personnel regroupant des qualifications variées (agronome, géographe, aménagiste, cartographe, enquêteur et avocat).
De 1978 à 1983, en marge de ses activités courantes, la Commission a complété, avec chacune des municipalités locales visées, le processus de négociation conduisant à l'adoption de décrets établissant la zone agricole. En 1987, la Commission amorçait le processus de révision des limites de la zone agricole avec les municipalités régionales de comté, en consultation avec l'Union des producteurs agricoles. Cette révision avait pour but d'assurer une plus grande harmonisation entre la zone agricole et la première génération des schémas d'aménagement adoptés dans le cadre d'application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme adoptée en 1979. Cette négociation, complétée en 1992, a donné lieu à la conclusion de 96 ententes sur une possibilité de 97. En juin 1997, la loi est modifiée de manière à favoriser une implication accrue des instances municipales et une plus grande complémentarité entre la protection du territoire et des activités agricoles et l'aménagement du territoire.
La protection du territoire agricole fait l'objet d'un large consensus parmi la population du Québec. Depuis 40 ans, la nécessité de protéger le territoire et les activités agricoles n'a jamais été remise en cause. Au fil des ans, l'approche, les outils et les moyens ont été adaptés aux réalités du Québec et de ses régions. Cependant, la zone agricole subit encore aujourd'hui des pressions importantes et la protéger demeure un défi quotidien. Cette pression s'exerce différemment selon qu'on se situe dans les agglomérations urbaines ou à la périphérie de ces milieux (empiétement sur la zone agricole, souvent sur les meilleurs sols) ou dans les communautés rurales, dont plusieurs sont aux prises avec de sérieux problèmes de dévitalisation (décroissance démographique, exode des jeunes, difficulté de maintenir les services, perte d'emplois, sous-utilisation de la zone agricole, etc.). Dans les agglomérations urbaines, la pression est omniprésente pour convertir des terres agricoles à des fins de développement. Pourtant, ces agglomérations disposent généralement d'espaces suffisants pour combler les besoins. àtitre d'exemple, sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, c'est-à-dire la grande région de Montréal qui couvre environ 385 000 hectares (dont 220 000 en zone agricole) malgré la présence d'environ 30 000 hectares disponibles hors de la zone agricole, la pression pour l'urbanisation demeure très forte pour toutes sortes de motifs provenant d'une multitude de centres décisionnels. Il faut comprendre ici que la planification du développement du territoire dans cette région, à défaut d'un schéma d'aménagement métropolitain, est actuellement sous la responsabilité de 14 instances sous-régionales chacune ayant ses propres orientations de développement maintenant une forme de compétition entre elles et avec la ville centre. En milieu rural, la loi est souvent perçue comme un frein au développement, malgré les efforts déployés par la Commission pour moduler ses interventions et malgré les taux d'autorisation élevés pour les demandes d'intérêt collectif ou les projets de développement économique. La pression s'accroît constamment pour favoriser l'implantation de résidences afin de favoriser une occupation dynamique du territoire particulièrement dans les régions aux prises avec une problématique de dévitalisation. Or, des dispositions de la loi permettent à une municipalité régionale de comté de déposer une demande à portée collective afin d'identifier les conditions et les endroits de la zone agricole qui pourraient accueillir les nouvelles résidences. Il s'agit d'un mécanisme qui constitue la voie de l'avenir pour la gestion des nouvelles utilisations résidentielles en zone agricole. Déjà, près d'une vingtaine de municipalités régionales de comté se sont prévalues de ces dispositions. En janvier 2008, la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois déposait son rapport. Cette commission, constituée en juin 2006, avait pour mandat de dresser un état de situation sur les enjeux et les défis de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois. Parmi ses 49 recommandations, la commission au regard de la protection du territoire agricole se prononçait ainsi « Que le territoire agricole du Québec soit traité comme un patrimoine collectif faisant l'objet de mesures exceptionnelles de protection afin d'assurer la pérennité des activités agricoles exercées, dans une optique de développement durable ». Avec la mondialisation des marchés, la compétitivité, sinon la survie, de certaines entreprises agricoles et agroalimentaires constitue le défi à relever. Cette tâche est d'autant plus grande que plusieurs leviers décisionnels échappent au Québec. Dans ce contexte, la préservation d'une base territoriale pour la pratique de l'agriculture et le développement des activités agricoles, dont le Québec conserve le plein contrôle, grâce à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, constitue un atout majeur sur lequel repose la solidité de la filière agroalimentaire du Québec.